Décès de Lisa, 3 ans, à Conches-en-Ouche (Eure) : la mère et le beau-père mis en examen pour meurtre


Mardi 26 Septembre 2023 à 17:41 -

Le corps de la petite fille de trois ans était couvert d'hématomes et de traces de violence. Lisa est décédée dans la nuit de samedi à dimanche au CHU de Rouen. Sa mère de 27 ans et le compagnon de celle-ci, âgé de 29 ans, ont été mis en examen pour meurtre et placés en détention provisoire



La mère de Lisa et le beau-père ont été mis en examen pour meurtre et placés en détention provisoire - Photo © infonormandie
Lisa avait trois ans. Elle est morte dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 septembre peu avant 2 heures du matin dans le service de pédiatrie du CHU de Rouen où elle avait été admise en arrêt cardiorespiratoire.

C'est aux alentours de minuit, que les sapeurs-pompiers et le SMUR ont été appelés à intervenir au domicile d'un couple, à Conches-en-Ouche (Eure), pour porter assistance à une petite fille en arrêt cardiorespiratoire. Alors qu'ils faisaient tout pour tenter de la réanimer, les secours ont constaté la présence de "gros hématomes" et autres traces de violences sur l'ensemble du corps de l'enfant née le 3 octobre 2019.

« Pour la punir lorsqu'elle n'était pas sage »

Les gendarmes de la brigade de Conches-en-Ouche ont été dépêchés. Le magistrat de permanence du parquet d’Evreux s'est déplacé à son tour sur les lieux et a confié la direction de l'enquête à la brigade de recherches de gendarmerie d’Evreux. Tout est allé alors très vite : la mère et le beau-père de la petite victime ont été informés de leur placement en garde à vue, « au vu des premiers éléments recueillis par les enquêteurs ».

« Un médecin du CHU établit un certificat dans lequel il écrit notamment que l’enfant présente « des hématomes d’âges différents affectant l’ensemble du corps, le visage, la partie haute du thorax, les quatre membres, le dos et le pubis », relate le procureur de la République d'Evreux, Rémi Coutin, dans l'attente des résultats de l'autopsie qui a eu lieu ce mardi matin.

La mère de Lisa, âgée de 27 ans, sans profession, a été entendue à plusieurs reprises en garde à vue. Dans un premier temps, elle a tenté de faire croire que le décès de sa fille est « la conséquence de crises de colère ». D'après ses déclarations, de façon habituelle Lisa chutait et se blessait ainsi régulièrement de son propre fait. Puis elle finira par reconnaître qu’elle et son compagnon, avec lequel elle vit depuis environ un an, « exerçaient régulièrement des violences sur la petite, pour la punir lorsqu’elle n’était pas sage », indique le procureur.

La jeune mère, séparée depuis plusieurs mois du père de ses deux enfants (Lisa et un garçon de 6 ans), expliquera ensuite aux enquêteurs que les violences qu’elle exerçait prenaient la forme de gifles, tandis que celles exercées par son compagnon consistaient en des gifles, des bousculades de façon à faire tomber la fillette puis également des étranglements, jusqu’à ce qu'elle perde connaissance.

Selon elle, ces violences ont débuté à la fin 2022 et celles exercées par son compagnon se sont accrues depuis 3 ou 4 mois.

« Des scènes de violences difficilement soutenables »

« Le récit qu’il a fait de certaines de ces scènes de violences est difficilement soutenable », a déclaré le procureur de la République -Photo © infonormandie
Lors de son audition, le compagnon, âgé de 29 ans, a lui aussi tenté de faire croire que Lisa était une petite fille qui tombait et se cognait souvent toute seule. Puis sous le feu des questions des gendarmes, il a reconnu « avoir exercé de façon régulière et de plus en plus prononcée, au cours des derniers mois, des violences sur Lisa, sous le coup de la colère ».

« Le récit qu’il a fait de certaines de ces scènes de violences est difficilement soutenable, et je n’en dirai pas plus », a déclaré le procureur de la République, lors d'une conférence de presse, ce mardi après-midi.

Le couple, qui a également reconnu s'être livré à des violences sur le grand frère de Lisa, âgé de 6 ans, a été déféré lundi à l’issue de sa garde à vue, au tribunal judiciaire d’Evreux. Une information judiciaire a été ouverte auprès d'un juge d'instruction, désormais en charge des investigations.

La mère a été mise en examen pour meurtre sur une mineure de moins de 15 ans, privation de soins ou d’aliments suivie de mort d’une mineure de moins de 15 ans par ascendant, violences sur mineurs de moins de 15 ans par ascendant, et non-dénonciation de mauvais traitements sur un mineur. Elle a été incarcérée dans l’attente du débat contradictoire qui aura lieu jeudi dans le bureau du juge des libertés et de la détention (JLD).

Le beau-père a pour sa part été mis en examen pour meurtre sur une mineure de moins de 15 ans et violences sur mineurs de moins de 15 ans, et placé en détention provisoire.

La directrice d'école suspendue

Les investigations, destinées notamment à cerner la personnalité des mis en cause, ne font que commencer. Elles vont se poursuivre sur commission rogatoire du juge d'instruction.

« L’information judiciaire ouverte va avoir pour objet de déterminer les responsabilités respectives de la mère et du beau-père dans l’origine du décès de la fillette, ainsi que la période depuis laquelle celle-ci était victime de violences », explique Rémi Coutin.

« Logiquement, poursuit le magistrat, elle va aussi chercher à déterminer si d’autres personnes ont eu connaissance de cette situation et si le décès de Lisa aurait peut-être pu être empêché ».

A ce stade de l'enquête, il a été établi que ni la Justice, ni la gendarmerie, ni l’aide sociale à l’enfance (ASE) n’avaient été alertés au sujet de la situation de cette enfant, selon le magistrat, qui s'interroge néanmoins sur l'absence de signalement « dans la mesure où la petite fille était scolarisée au moins depuis la rentrée de septembre 2023, en moyenne section de Maternelle ».

Une enquête administrative va être diligentée par le rectorat de l'académie de Normandie. Dans l'attente des résultats, la décision a été prise de suspendre à "titre conservatoire" la directrice de l'école maternelle où était scolarisée la petite fille. 

Par ailleurs, il semblerait qu’une amie de la famille ait voulu, quelques jours avant le drame, signaler les faits via le numéro 119 mais que son appel n’a pu aboutir, et qu’elle ne l’a pas renouvelé ensuite.