Camille Lepage (Photo Facebook)
La mort en Centrafrique de Camille Lepage, une photojournaliste de 26 ans, amène une fois de plus la profession à s'interroger. La jeune femme avait apparemment une certaine maîtrise du terrain et des zones de guerre. "Elle n'avait pas peur. Elle était passionnée. Elle avait la joie de vivre", a confié sa mère Maryvonne Lepage à RTL. "Elle n'avait qu'une envie, c'était de témoigner des populations dont on ne parlait pas et qui étaient en danger."
Elle est morte de cette envie, de ce besoin d'informer, de cette nécessité de témoigner.
Elle est morte de cette envie, de ce besoin d'informer, de cette nécessité de témoigner.
Camille Lepage était arrivée en République centrafricaine en septembre dernier, trois mois avant l'opération Sangaris. Ceux qui ont travaillé avec elle louent son travail, comme Thomas Cantaloube, grand reporter à Mediapart : "Elle était une leçon vivante pour tous ceux qui ne voient dans les journalistes que des parachutistes de l'information: vite arrivés, vite repartis."
Elle est la 17e journaliste tuée depuis le début de l'année.
Elle est la 17e journaliste tuée depuis le début de l'année.
OPINION. Les patrons de presse sont-ils des "tueurs" de journalistes ?
- Par Emmanuel Atchouel, grand reporter qui a travaillé à Radio France Internationale (RFI) en Afrique et couvert les plus importants conflits armés.
"Alors voilà. Encore une fois. Une journaliste est morte en reportage. « Victime de son devoir » diront certains. « Une professionnelle expérimentée » diront d'autres. Les mots de ses confrères, amis, proches, noyés par la peine.
Mais comment est-il possible de mourir à 26 ans pour un travail ?
Pourquoi la plupart des journalistes morts dans l'exercice de leur métier sont-ils tous si jeunes ?
A l'âge où l'expérience fait encore parfois défaut, ces professionnels quasi débutants qui ne trouvent pas de travail dans cette profession sinistrée, s'en vont prendre des risques démesurés afin de pouvoir seulement exercer le métier qu'ils ont choisi de faire.
Les journaux n'envoient presque plus jamais de reporters, préférant le travail moins coûteux d'un pigiste que l'on peut aussi mettre en concurrence avec d'autres précaires et sans jamais rien lui promettre. Le pigiste que l'on appelle hypocritement « journaliste indépendant » est surtout dépendant du bon vouloir des rédactions. Il finance tout seul ses déplacements, assume encore seul tous les risques et n'est payé que si son travail est acheté.
Alors pour tenter de survivre et de se faire remarquer et ensuite peut-être embaucher, le pigiste va prendre des risques qu'un vieux professionnel ne prendrait jamais.
Les erreurs d'appréciation en zones de guerre ou de conflits ne pardonnent jamais. Les patrons de presse le savent. Tous les journalistes le savent.
Alors pourquoi continue t-on dans les grandes entreprises de presse de commander des sujets à ces jeunes que l'on transforme en chair à canon ?
L'information est un devoir, mais ce n'est pas une activité philanthropique. Les journaux, radios, télévisions et autres supports, sont des entreprises commerciales. La logique économique des rédactions conditionne désormais la pratique de la profession.
En faisant du journalisme « low-coast », en cherchant continuellement à réduire le budget des reportages, au détriment de la sécurité de ceux qui les font, en utilisant une main-d’œuvre précaire, taillable et corvéable, les patrons de presse sont devenus des tueurs de journalistes".