La dernière heure est celle où l'on ne ment plus. C'est celle qui donne sa coloration à toute une vie, qui parfois la rachète et il arrive qu'un homme, en quelques minutes, atténue des décennies de despotisme, de frivolité ou de nullité. il affronte la mort avec les ressources morales accumulées pendant son existence.
On a donc généralement la mort que l'on mérite, à moins qu'un accident ne vienne piper les dés.
On peut mourir de maladie mais aussi de faim (le duc d'Albe, Gogol) ou d'indigestion, de froid (Scott) ou de chaud (Philippe III d'Espagne), de chagrin (Marie Dorval) ou de joie (Sophocle, Goya) et même de rire (l'Aretin), de peur (Britton), de honte (Henri II), d'amour et pendant l'amour (Félix Faure, Attila).
Il y a les accidents, les assassinats, les suicides. On peut mourir en bourgeois. On peut mourir avec curiosité avec regret avec mélancolie avec modestie. On peut mourir en mangeant. On peut aussi mourir heureux...
La façon dont on choisit de se faire enterrer est également fort révélatrice de la personnalité : L'habit fait le mort et la tenue dans laquelle on souhaite passer l'éternité, de même que les objets que l'on désire emporter dans l'au-delà sont souvent lourds de symboles ou de souvenirs.
Les morts - de toutes les époques et de tous les pays Isabelle Bricard les collectionne depuis des années, avec l'aide d'amis, de parents, car on ne moissonne pas seul dans un champ sans limite.
Les gens ne meurent plus jamais en public, et plus toujours en famille.
On meurt bien souvent à l'hôpital, sous le regard des écrans, dans les bras des perfusions, et les moniteurs des salles de réanimation en enregistrant le dernier battement du cœur, ne recueillent pas les ultimes paroles qui font l'admiration, l'étonnement ou l'émotion de la postérité.
Isabelle Bricard est l'auteure, entre autres, de : Napoléon, Joséphine et les autres (2009), Moi, Léon, fils de l'empereur (1988), Les dynasties régantes d'Europe (2000), Saintes ou pouliches : l'éducation des jeunes filles au XIXème siècle (1985).